Cher Antoine Prost

Faire cours ou faire classe? Le travail des élèves comme point de repère.

Voilà comment Antoine Prost pose très bien la question de l'école. Faire cours, c'est délivrer un savoir, c'est l'attitude des nouveaux hussards noirs autoritaires mode FN qui mènent un combat stérile contre les pédagogistes (entendez laxistes). Faire classe, c'est faire travailler les élèves.

La philosophie d'Antoine Prost de l'élève au centre du système éducatif, c'est le travaill que les élèves font, en quantité et en qualité.

Presque tous les autres débats deviennent secondaires vis à vis de ce repère du travail des élèves et ils peuvent tous s'ordonner une fois que cette question de bon sens est posée. Est-ce que l'organisation que je mets en place va améliorer le travail effectif des élèves ou est-ce l'inverse? Tous les sujets pratiques concernant l'école peuvent être éclairés par cette considération opérationnelle du travail des élèves:

Le rythme scolaire.

L'autorité des maîtres.

La pédagogie.

L'écoute.

L'aisance et le goût.

La consolidation des connaissances.

Apprendre par coeur.

La répétition et l'improvisation.

 

Antoine Prost s'appuie sur son expérience de l'apprentissage du violon pour éclairer ce qu'il veut dire par faire classe. L' apprentissage du violon passe par l'exécution de morceaux de musique qui mobilisent toutes les connaissances et la pratique et qui sont le fruit d'un travail sans lequel le violon reste de la théorie. Tout y est dans cet exemple. Une des grandes difficultés pratiques de l'organisation de l'école actuelle, c'est qu'il est très difficile pour un prof de s'adresser en même temps à des élèves capables de jouer "le vol du bourdon" et à ceux qui sont en difficulté devant "au clair de la lune". D'autre part, il manque à cet exemple d'y associer l'esprit et la pratique de l'improvisation dont Didier Lockwood sait si bien parler, pratiquer et enseigner, et qui donne sens et corps à la musique, la projetant au-delà de la simple répétition pour en faire une pratique de liberté, de maîtrise et de vie. Sans le goût, à quoi bon apprendre, à quoi bon enseigner?

La seule question que ce point de repère du travail ne règle pas est la question, tout de même essentielle de la finalité, de Condorcet: l'école (donc le travail scolaire) pour quoi faire? La réponse de Condorcet me semble toujours d'actualité: pour former (former est sans doute trop ambitieux, mais au moins initier un état d'esprit) des citoyens éclairés et non pour être au service de tel ou tel groupe d'intérêt ou segment social, ni sous l'emprise de l'économie ni sous celle de la famille pas plus que sous celle de l'armée. La question du goût demeure centrale, question exigeante, mais vitale.

Si le ministre de l'éducation recherche un conseiller pour l'aider à réorienter l'école sur un bon chemin et sortir à coup sûr de la polémique stérile et nocive entre autotitaristes et pédagogistes, qu'il ne se fasse enfumer ni par les latinistes (Laure Adler) ni par les hellénistes (Les émules de J. De Romilly) pas plus que par les sanskristes (pas encore de champion), qu'il fasse appel à Antoine Prost et à son jugement très sûr, très équilibré et très expérimenté.

 

Quand les maîtres cesseront d'enseigner, les élèves pourront enfin apprendre. (Montesquieu)