Domination et différence à propos du genre
La confusion entre domination et différence continue d'alimenter les malentendus du débat sur le genre et l'école. Les interventions éclairantes sont assez rares pour être signalées et je voudrais porter à votre attention la chronique de Caroline Eliacheff que je reproduis dans son intégralité ci-dessous:
Les classes françaises sont devenues mixtes sans grand débat entre 1960 et 1970. On pensait qu’éduquer les garçons et les filles ensemble suffirait pour qu’ils se dirigent plus tard vers des métiers différents de ceux auxquels ils étaient assignés. Le résultat n’est pas au rendez-vous. Puis, on s’est aperçu que filles et garçons n’étaient pas orientés de la même façon, la faute aux stéréotypes. D’où la remise en question de ces fameux stéréotypes dès le primaire. L’ABCD de l’égalité vise donc à transmettre une culture de l’égalité dans le but de réduire les inégalités professionnelles à l’âge adulte. Pas de quoi s’émouvoir sauf que l’égalité est un horizon quasiment inconnu qui peut faire peur. Nous sommes tellement habitués à ce que les différences servent à établir des hiérarchies que nous avons tendance à penser qu’en supprimant les différences, on abolira la hiérarchie. Est-ce si sûr ?
« C’est un garçon » ou « c’est une fille » sont souvent les premières paroles qu’un nourrisson entend quand il vient au monde. Ce n’est pas toujours une surprise, la faute à l’échographie. Paradoxalement, la connaissance prénatale du sexe fait disparaître la seule période où les enfants ne sont pas différenciés par le sexe. Tout reste encore à faire pour que l’identité psychique et sociale se construise sur cette identité biologique. À contre-courant, je pense que certains stéréotypes sont structurants pour les garçons comme pour les filles. Je suis effarée de voir dans les crèches suédoises l’emploi du genre « neutre » et l’indifférenciation qui est prônée. À l’âge de la crèche, garçons et filles doivent s’affirmer dans leur sexe par l’identification aux adultes et aux enfants du même sexe qu’eux et…grâce aux stéréotypes. Ceux-ci ne sont pas immuables : on peut proscrire ceux qui introduisent une hiérarchie ou des comparaisons dévalorisantes; on peut ne porter aucun jugement sur les enfants qui ne s’y conforment pas : libre à eux de se dégager des stéréotypes mais pas de les ignorer. Ce n’est pas la même chose de « faire comme les garçons » et « d’être un garçon ». Etre assuré dans la fierté de son sexe est un préalable incontournable au respect égalitaire de l’autre sexe.
Je trouve ridicule de débaptiser l’école maternelle au prétexte que l’enfant y aurait besoin de soins forcément dévolus à la mère. Il serait plus efficace que davantage d’hommes prodiguent ces fameux soins dont les enfants d’âge pré-scolaire ont effectivement besoin. Ça leur montrerait que le « maternel » est une fonction qui n’est pas l’apanage des femmes!
Le médecin et psychologue Leonard Sax qui vient de publier « Pourquoi les garçons perdent pied et les filles se mettent en danger » (JC Lattès) montre avec force exemples que la non reconnaissance des différences dans l’enseignement renforce les stéréotypes de genre au lieu de les atténuer. C’est contre les inégalités et non contre les différences qu’il faut lutter et des approches pédagogiques qui en tiennent compte montrent qu’on peut atteindre ce noble but.
Quand Nancy Huston dans son "Reflet dans un œil d'homme" pointe les conséquences psychologiques, hormonales et stratégiques du fait que ce sont les femmes qui portent les enfants et non les hommes elle parle bien des différences et de leurs conséquences, ce qui ne l'empêche pas d'être une militante pour l'égalité et contre la domination masculine toujours à l’œuvre.
Le lait maternel adapté au sexe, tient donc compte de la différence.
Les cerveaux sont aussi différents.