Joseph Jacotot et la toile
Joseph Jacotot est l'auteur d'une méthode pédagogique décoiffante, celle des maîtres ignorants. Sans doute la méthode la plus poussée de l'esprit qui anime ce blog, à savoir faire la part belle aux capacités, à l'initiative et à l'émancipation en éducation. Ce n'est toutefois pas une non-méthode dans laquelle les élèves seraient livrés à eux-mêmes.
Joseph Jacotot s'est appuyé sur un livre bilingue assez riche, à la fois en syntaxe, en culture et en vocabulaire, "Télémaque de Fénelon" en version Franco-Hollandaise. Jacotot devait apprendre le Français à des Hollandais, mais lui-même ne parlait pas Hollandais. Il demanda donc aux élèves de se débrouiller avec comme seule consigne de toujours revenir à ce livre comme référence, ce qui fonctionna à merveille. Je me demande quand même comment il fit passer cette consigne, sans doute en faisant appel à un interprète? L'idée principale de se référer à ce texte repose sur une démarche de consolidation des connaissances basée sur un texte narratif. Ce point est à souligner, parce que même avec une méthode plus directive que la sienne, plus explicative que la sienne, mais qui se focaliserait sur un texte narratif bilingue bien choisi pour apprendre une langue, il est probable que les résultats seraient bien meilleurs que les méthodes explicatives qui passent d'un texte à un autre, d'un support de cours à un autre, participant ainsi à retirer l'envie d'apprendre et les repères aux plus volontaires, dépossédant ainsi les élèves.
Par exemple, pour les langues, si nous n'avions qu'un seul livre de référence par cycle, comportant un texte multilingue bien choisi de quelques pages, je ne doute pas que les français réputés si nuls en langues pourraient devenir les meilleurs du monde. En effet, nous pourrions connaître par cœur et nous pourrions nous y référer si besoin, au texte dans notre langue maternelle. Le livre de Saint-Exupéry, Le petit Prince, me semble déjà en excellente position comme candidat (un des livres les plus traduits au monde). Voilà une première référence solide sur laquelle les élèves pourraient s'appuyer pour leur découverte des autres langues. Il est même imaginable que ce même texte ait été aussi appris par leurs parents, les élèves des autres écoles, apportant ainsi d'innombrables occasions d'échange et d'approfondissement. Il ne serait pas insupportable d'apprendre aussi le texte par cœur dans une autre langue, et ainsi de suite. Cette démarche peut aussi s'appliquer à d'autres domaines. L'idée étant de pouvoir s'appuyer sur des documents stables et riches étudiés à fond.
Si la toile mettait à disposition quelques documents bien choisis, comme le livre du déclic de Jacotot, nul doute que les élèves ignorants dépasseraient bientôt les maîtres sachants!
Bien entendu, les connaissances évoluent, et pour certaines disciplines, les documents devraient pouvoir évoluer, mais le principe premier serait de ne les faire évoluer que si nécessaire et le minimum possible. Bon, les éditeurs ne seraient pas très contents, mais il faut savoir ce qu'on veut, fournir de bons outils d'étude ou enrichir les éditeurs.
La réussite de Jacotot prend à la fois en défaut les maîtres sachants et les maîtres pédagos. En effet, les maîtres sachants et les maîtres pédagos envoient tous les deux un message "d'abrutissement" n'améliorant pas la confiance des élèves dans leur capacités. Ils séparent le monde en deux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.